Discours du 12 juillet 1991
Il y a une vérité de plus que Babuji Maharaj m’a enseignée au sujet des professeurs et des étudiants. Un véritable professeur continue d’apprendre toute sa vie. Cela peut sembler assez étrange. Mais un professeur qui s’est arrêté d’apprendre n’est pas apte à continuer à être professeur. Les étudiants peuvent cesser d’apprendre, parce que souvent nous apprenons dans un but précis. Nous faisons des études d’ingénieur pour devenir ingénieur. Nous étudions la médecine pour devenir médecin. Et même là, les bons continuent d’apprendre toute leur vie, apprendre à travers l’expérience des autres, apprendre à travers leur propre expérience. On doit comprendre que les livres ne sont que l’expérience fossilisée des générations précédentes, et qu’ils sont aussi valables que des fossiles pour la présente génération.
Le génie de l’humanité est peut-être dû au fait qu’ayant maîtrisé le langage il y a des milliers d’années, et ayant par la suite appris à écrire puis à imprimer, nous sommes capables de conserver l’expérience du passé afin qu’elle soit disponible pour la génération actuelle. Mais penser que ce passé-là est quelque chose de sacré, ou possède une autre autorité que la simple expérience de ceux qui ont écrit ces livres, serait là encore absurde. Cela n’est pas moins vrai en ce qui concerne l’expérience religieuse.
Tous les textes religieux à travers le monde ne sont rien de plus que les récits des expériences des grands personnages du passé, des personnalités du passé, des saints du passé. Ce dont ils ont fait l’expérience, ils l’ont écrit. Se fondant sur leur expérience, ils nous ont donné quelques lignes de conduite sur la façon de mener notre vie. Elles devraient être traitées comme des lignes de conduite, non pas comme les lois ou les testaments rigides qu’elles sont devenues : véritable processus de fossilisation, devenant pierre — pétrification. Si vous avez la meilleure pastèque, sous la forme d’un fossile de soixante-dix-sept millions d’années, cela ne sert à rien. Nous pouvons dire que cela montre seulement que les pastèques existaient il y a soixante-dix-sept millions d’années. Similairement, les grandes vérités du passé qui ont pris corps dans ces textes, nous prouvent qu’il y avait des personnes spirituelles qui ont vraiment eu des expériences et qui furent assez aimables pour les écrire par amour pour nous, pour que nous puissions nous en servir. Mais nous ne devrions nous en servir que si elles nous sont utiles aujourd’hui.
Donc, quand nous étudions ces textes anciens, nous devrions en peser très attentivement la valeur dans l’époque présente où nous vivons, évaluer leur pertinence par rapport à la façon dont nous vivons. Et, ce qui est plus important encore, tester leur justesse en nous élevant pour atteindre certaines hauteurs spirituelles. Par exemple, si nos ancêtres faisaient du feu en frottant deux morceaux de bois, ou des silex et des brindilles, nous ne le referions pas aujourd’hui. Et pourtant, dans le briquet à cigarettes d’il y a, disons, quinze ans, cela se faisait ainsi. Vous aviez une pierre, vous aviez une mèche. La friction était utilisée pour créer la même chose. Les principes sont là, mais la façon dont ils s’appliquent changent. Ainsi, pour s’en remettre au Livre, comme ils disent, pour jurer par le Livre, pour suivre le Livre, il y a ce danger que nous pourrions rester accrochés au passé, non libérés même de notre passé. Comment pouvons-nous être libérés dans le présent si nous n’allons même pas être libérés du passé.
Je pense que la dépendance vis-à-vis de cadres de références passés, de connaissance passée, d’expérience passée est une certaine sorte de samskara de l’intellect. Tous les samskaras sont les mêmes. Ainsi, quand nous avons cette tradition et ce rite qui consiste à suivre le passé : quelqu’un l’a dit il y a quelque temps, quelqu’un l’a dit il y a deux mille ans, quelqu’un l’a dit il y a cent mille ans… L’âge ne bonifie rien. Vous pouvez collectionner des antiquités parce que vous leur avez donné une valeur artificielle. Je ne pense pas qu’elles aient en elles-mêmes de la valeur. Mais parce que c’est ancien, nous les collectionnons, nous leur créons une valeur, comme la valeur qu’aurait un morceau de papier imprimé par un gouvernement. C’est une valeur fictive. Et le prix en est ce que nous choisissons de payer. Si quelque chose est très rare, comme le timbre “noir d’un demi-penny”, existant peut-être en un ou deux exemplaires dans le monde, il peut se vendre trois cent mille dollars, trois millions de dollars, peut-être vingt millions de dollars un jour à venir. Il passe simplement d’un coffre de banque à l’autre, et jamais personne ne le voit. Jamais personne ne l’utilise pendant des siècles. Cependant il prend de la valeur. Je lisais un jour une histoire qui s’appelait “Le dormeur éveillé”, sur un homme qui s’intéressait au voyage dans le temps, et l’avait maîtrisé. Ainsi, il retourna trois siècles en arrière, investit une somme d’argent dans la banque de cette période et s’endormit. Trois siècles plus tard, quand il se réveilla, il possédait le monde entier. Parce que cet investissement fait trois cents ans auparavant, avait grossi, grossi, grossi.
Maintenant cela, c’est de la fiction. Mais nous avons quelque chose qui grossit comme cela (rires étouffés) qui nous vient du passé, grossissant de plus en plus à cause de l’intérêt que nous accumulons. Et cela, c’est notre samskara (rires étouffés). Et, l’intérêt qui se multiplie est l’intérêt que nous donnons à nos samskaras. Maintenant, vous pouvez vous rebeller et dire : « Comment puis-je accorder de l’intérêt à mon samskara ? » Oui, parce que, quand le samskara vous fait faire quelque chose et que vous y accordez de l’intérêt, il forme plus d’impressions sur vous et cela se solidifie. Il devient un plus gros samskara. Le capital a évidemment été ajouté à l’intérêt. C’est une loi très étrange que la loi de l’économie marche aussi en spiritualité, mais contre nous. Ainsi, voyez-vous, nous ne devrions pas porter de l’intérêt à certaines choses, mais nous devrions porter de l’intérêt à certaines autres.
Ainsi, pour en revenir à cette histoire du passé et à son emprise sur nous, pourquoi nous y sommes accrochés, cela est dû à plusieurs raisons. La première en est notre manie de la vénération. Nous pouvons ne pas aimer notre grand-père, mais nous faisons ce qu’il a fait. Nous n’aimons pas notre arrière-grand-père. Peut-être ne connaissons-nous même pas son nom, mais parce qu’il l’a fait, mon grand-père l’a fait. Parce que ce dernier l’a fait, mon père l’a fait. Parce qu’ils l’ont tous fait, je le fais. Et que fais-je ? Je ritualise ma vie. Ainsi, de génération en génération ces vérités originelles deviennent de plus en plus solides, de plus en plus rituelles, ayant de moins de moins de signification, de moins en moins de contenu, de moins en moins d’efficacité jusqu’au jour où nous avons des rites qui n’ont pas de sens, pas d’effet, mais qui nous lient par force et par le pouvoir que nous leur donnons. Cela est en soi un samskara.
Maintenant, il y a une grande histoire, peut-être vous l’ai-je déjà relatée, je ne sais pas, sur la valeur d’un shastra. Un shastra est un texte religieux ou un corps d’enseignements. Cette histoire concerne un guru qui avait son propre guru. Ce jeune guru alla rencontrer le vieux guru. Et juste quand il arriva chez lui, le vieux guru sortit, tourna autour du jeune guru trois fois, se prosterna devant lui, mit sa tête sur ses pieds en signe d’obéissance, comme nous le disons en anglais, puis entra dans la maison et commença à enseigner ses disciples. Les disciples furent choqués. Comment le vieux guru peut-il se prosterner devant le jeune guru, son propre disciple. Donc, ils posèrent la question au jeune : « Comment est-ce possible ? Ton maître qui vient et tombe en prosternation devant toi comme ça ? » L’homme répondit : « Un guru peut tout faire, c’est le maître. » Ils ne furent pas satisfaits, voyez-vous. Ils abordèrent donc le vieux guru et dirent : « Maître tu as fait cela à ton propre disciple qui est notre frère spirituel. Comment as-tu pu le faire ? » Il dit : « Oh ! L’ai-je fait ? Je ne l’ai pas fait. » Ils dirent : « Non ? mais nous t’avons vu le faire. » Puis il dit : « Oh ! j’ai vu mon guru, donc il était naturel que je tourne trois fois autour de lui, que je tombe à ses pieds, que ma tête touche ses pieds. » Ils dirent : « Ce type bluffe aussi, retournons au jeune. » Ils retournèrent vers le jeune et dirent : « Tu nous as dit que le maître peut tout faire mais n’est-ce pas contre le shastra ? N’est-ce pas contre la loi spirituelle, la loi religieuse ? » Cet homme énonça une grande vérité. Il dit : « Quand vous avez un maître vivant, le shastra n’a plus aucune signification, c’est lui qui crée le shastra pour votre existence. »
Voyez, c’est une grande vérité. Mais si vous avez seulement de vieux textes et pas de guru, vous n’avez que le choix de suivre les textes. Mais alors les textes ne nous parlent pas. Il n’y a pas d’intercommunication. Ce ne sont que des mots imprimés, souvent nous ne connaissons pas la langue, en général nous ne connaissons pas leur signification. Nous ne connaissons pas le sens archaïque de leur message — grec ancien, latin, perse, hébreu ancien, sanskrit ancien. Qui connaît ces langues ? Ainsi, nous commençons par les mémoriser et les répéter : « Notre Père qui es aux cieux. Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. » etc., etc., etc. Et penser que nous avons prié, que notre devoir spirituel envers Dieu et envers nous-même est fini. Mais nous restons aussi misérable que nous l’étions avant la prière, avant toutes les prières que nous avons faites pendant des années et des années.
Ainsi, voyez-vous, c’est comme cela que les textes détruisent notre but. Ils furent écrits pour un temps, pour une époque particulière du passé, quand leur pertinence était pour cette période-là, mais nous vivons une époque différente, un monde différent dans des circonstances différentes. C’est pourquoi Babuji Maharaj a dit : « Lalaji a redécouvert le Sahaj Marg, l’a remodelé conformément aux besoins du moment. » Il est essentiel de se souvenir que le système doit se conformer à l’époque dans laquelle nous vivons. Ainsi, la situation dans laquelle nous sommes placés dans notre existence temporelle doit nous permettre de faire ces choses de façon satisfaisante, continue, régulière et efficace. Autrement, cela ne sert à rien.
Voilà le problème de la religion. La religion nous garde attachés au passé, enchaînés au passé, enchaînés au péché d’Adam et Eve ; s’ils ont péché ! je ne le pense pas. La doctrine du péché originel veut que depuis ce temps-là, nous ne cessons de chuter. Maintenant cette philosophie, cette théologie est anti évolutive, et d’une. Elle est dégradante, et de deux. Elle nous rend inutile à nous-même, et de trois, elle nous rend si impotent que nous ne pouvons rien faire pour nous-même, et de quatre. Elle nous rend esclave d’une église qui devrait nous libérer, et de cinq. Cinq raisons très importantes qui font que nous devrions nous échapper de l’esclavage religieux, de la servitude de la religion qui nous retient dans un esclavage plus grand que les Romains, les Grecs ou les Egyptiens, qui n’ont jamais retenu leurs esclaves. Maintenant, nous ne prêchons pas contre la religion, nous constatons simplement les faits de la religion. Si les rites pouvaient libérer, il n’y aurait plus d’être humain, je veux dire après un million d’années et des milliers d’années de prière et de sermons, de cérémonies religieuses, que ce soit dans une église ou un temple peu importe. Que faisons-nous encore ici ?
Ainsi, voyez-vous, nous devons juger ces choses, non pas émotionnellement, mais de façon pratique. Est-ce bon pour moi ? Est-ce que cela me fait du bien, ai-je grandi d’un iota ? Ai-je avancé aujourd’hui au moins d’un centimètre par rapport à hier ? Si la réponse est non, nous devons changer. Si je suis assis dans le TGV à la gare de Lyon à Paris et que j’y sois toujours, cela n’a aucun intérêt pour moi que la grande SNCF française possède les meilleurs trains du monde si ce train-là ne bouge pas pour moi, non ? S’il doit partir à 12 h 25 ou bien à 12 h 27, 12 h 40, 12 h 50 peu importe, mais il doit bouger. Si à 3 h, il est toujours là, il y a certainement quelque chose qui ne va pas, si à 3 h, je suis toujours dedans, je suis un idiot, voyez-vous. Maintenant, c’est la même histoire avec la religion, nous sommes tous encore dans cette religion comme je l’ai dit hier, j’aimerais citer aujourd’hui Swami Vivekananda : « Il est bon de naître dans une religion, mais il est mauvais de mourir dans une religion. » C’est une affirmation profonde que peu de gens ont comprise. Elle veut dire que je commence avec quelque chose — un capital, un héritage, un système de philosophie — mais je dois en sortir comme de n’importe quelle autre chose pour grandir.
Dans la théorie de ce que nous appelons la métempsychose, vaguement appelée réincarnation, c’est la valeur de la mort elle-même. Que je finisse mon existence dans un corps, sa raison d’être est terminée. Il ne m’est plus utile. Il est devenu maintenant un esclavage, une prison. Je m’en échappe, j’en sors dans un acte volontaire, quoique nous ne le sachions pas dans notre subconscient, c’est toujours un acte volontaire. Et nous choisissons un autre corps si nous devons encore continuer cette vie terrestre de façon à ce que nous puissions continuer à évoluer plus avant. C’est comme le passage d’une classe à l’autre dans les écoles et les collèges, c’est comme le passage d’un grade à l’autre dans l’armée, quand je suis promu de la sixième à la cinquième à l’école, je ne pense pas être mort, je ne pleure pas parce que je ne peux plus être avec le professeur de la sixième. Je ne m’attache pas au banc sur lequel j’étais assis dans cette classe-là. Je suis heureux d’en sortir.
L’âme elle aussi est heureuse quand nous mourons. Quand n’importe quel être meurt, si vous regardez le visage de la personne après la mort, vous trouverez sur ce visage une paix et une tranquillité totales, telle que vous ne les lui avez jamais connues de son vivant. C’est un fait, c’est la vérité. Les gens doivent avoir le courage de regarder les défunts. Et cette comédie d’habiller le défunt, en le colorant, le maquillant de rouge, le rasant, le présentant comme un gentilhomme ou une belle dame est insensée voyez-vous. Même dans la mort nous dupons la vie. Un cadavre n’est pas moins beau qu’un bébé qui vient de naître, si vous avez des yeux pour voir. Si vous pouvez voir cette paix totale, cette relaxation totale d’où l’on a tiré une posture de yoga appelée le shavasana dans le système de hatha-yoga de Patanjali. Shavasana signifie la posture du cadavre, le corps mort. Elle nous enseigne à être étendu, aussi immobile et relaxé — totalement relaxé — qu’un cadavre. Et si vous pouvez le faire durant dix ou quinze minutes, vous n’avez pas besoin de cachets, vous n’avez pas besoin de médecins, vous n’avez pas besoin de psychothérapeutes, vous n’avez besoin de rien. Mais c’est très difficile, car d’une certaine manière c’est comme mourir pendant qu’on est encore vivant. Et c’est ce que Babuji disait de la condition spirituelle de mort-vivant.
Donc, voyez-vous, toute la question de la spiritualité est de mourir sans mourir. Alors que toute la question de la religion semble être de vivre sans vivre. Et ce sont deux courants opposés de pensée, de pratique, de théologie, d’enseignement, de réalisation. L’un vit sans vivre, il est donc mort alors-même alors qu’il est vivant. L’autre meurt sans mourir, il est donc vivant même lorsqu’il est mort. C’est cela la rédemption. Quelle est donc la différence entre religion et spiritualité ? Vous devez être capables de répondre à cette question. Quand les gens vous demandent quelle est la différence ? Que dites-vous ? Ceci est la religion, ceci est la spiritualité.
Selon moi, la plus grande erreur, la partie la plus importante et la plus triste de la religion est qu’elle cherche à nous reconnecter avec Dieu. Or, je mets en question cette reconnexion. Si je pouvais être déconnecté de Dieu, même pour un milliardième de seconde, je n’existerais pas. Alors, où donc est le problème de la reconnexion ? Je veux dire que c’est un mensonge total. Et nous avons vécu ce mensonge, accepté ce mensonge, avalé ce mensonge, souffert à cause de ce mensonge en sentant une déconnexion d’avec Dieu qui ne peut en aucun cas se produire. Parce qu’on nous a appris à sentir de cette manière. D’où la plupart des souffrances sur terre. Si nous sentons que nous sommes déconnectés, nous sommes aussi déconnectés moralement. Nous sentons donc : « Lorsque Dieu n’est pas là. Bon sang, quelle importance peut avoir ce que je fais ? » Nous pouvons pécher en toute impunité, commettre des crimes en toute impunité, parce que Dieu n’est pas là. Lorsque je suis reconnecté avec Lui, je me fais absoudre de tous mes péchés et un vendredi à l’église, une confession, c’est fini, voyez-vous !
Cette question de la reconnexion avec Dieu est de la plus grande importance. Car il ne peut jamais y avoir de reconnexion : étant moi-même une partie de cette Divinité, d’éternité en éternité, la connexion ne peut jamais être rompue. Sinon nous ne serions pas là. Que nous le sentions ou non. Lorsque nous ne le sentons pas, nous sommes ignorants. Lorsque nous le sentons, nous commençons à être spirituels. La spiritualité nous enseigne à nous sentir nous-même dans notre Soi, en tournant notre attention vers l’intérieur, en imaginant la présence divine dans le cœur comme une lumière brillante, une lumière divine. Peu à peu, par la méditation, par une méditation répétée, par une méditation de plus en plus profonde, nous pouvons nous immerger dans cette présence. Et finalement, nous ne sommes pas du tout conscient d’être là et nous réalisons ce que nous appelons l’état de samadhi. Et alors, on se demande de quoi il s’agit. Il vaut mieux s’asseoir, méditer et être perdu à ce monde. « C’est si agréable, pourquoi avez-vous interrompu la méditation ? » demandent les gens. « Pourquoi avez-vous arrêté le sitting ? C’était si merveilleux, j’étais si absorbé ! Je ne savais si j’étais en train de dormir ou en samadhi ! »
Eh bien ! quelle religion vous a jamais donné cette condition ? Les religions vous enseignent seulement à adorer une statue ou une icône. À l’embrasser, peut-être. Qu’on vous en touche la tête en signe de bénédiction et vous ressortez en laissant la statue ou l’icône là, et votre Soi ici. La religion nous déconnecte encore et encore de notre source. La spiritualité nous connecte une fois pour toutes dès le tout premier sitting. Ensuite, cette connexion s’approfondit, s’approfondit et s’approfondit encore. Jusqu’à ce que, dans notre fusion finale avec Cela, nous soyons de nouveau totalement l’Absolu.
Vous voyez donc à quel point il est important de bien comprendre les différences entre la religion et la spiritualité. Je veux dire qu’on pourrait écrire des volumes à propos de ces différences. La religion dit : « Tu ne pécheras pas contre Dieu. » La spiritualité dit : « Ne pèche pas contre ton Soi. » La religion dit : « Ne mens pas à Dieu. » La spiritualité dit : « Ne mens pas à ton Soi. » Je veux dire que si vous y pensez simplement, sans devenir émotionnels et sans vous impliquer avec votre religion et votre Dieu — ce qui est un autre mensonge —, comment pouvez vous avoir votre religion et votre Dieu ? Votre Dieu doit être mon Dieu. Les noms peuvent être différents. Vous pouvez Le nommer d’une certaine façon, je peux Le nommer d’une autre façon. Mais il n’y a qu’un Dieu, il ne peut y avoir qu’un Absolu, il ne peut y avoir qu’un Infini. Comment votre Dieu du christianisme peut-Il être différent de mon Dieu de l’hindouisme ? Ils sont tous Le même, mais nous nous sommes querellés sans cesse, depuis des temps immémoriaux. La religion a incité les gens à se combattre et à se dominer à tour de rôle, au nom de Dieu. Tuant au nom de Dieu. Crucifiant au nom de Dieu. Séparant l’homme de l’homme, la femme de la femme, l’être humain de l’être humain, jusqu’à ce que nous aboutissions à une haine raciale, à une haine religieuse, tout cela au nom de Dieu. « Ô Dieu d’Abraham ! », dit le Juif. Il ne sait pas qui est Abraham, il ne sait pas qui est le Dieu d’Abraham. “Le Sans Nom”. Oui, cela est correct. Parce que Dieu ne peut avoir de nom. Mais si on utilise un mur, même s’il est vierge de toute inscription, de toute représentation, c’est cependant une pétrification de ce concept. Pourquoi devrais-je avoir besoin d’un mur ?
Babuji Maharaj disait : « Les religions divisent. » Lorsque nous nous asseyons en méditation, il n’y a pas de Dieu avec un nom, il n’y a pas de Dieu avec une forme. Il y a Dieu sans attribut. C’est l’abstraction absolue. Ceci unit. Sinon, nous ne pouvons avoir quinze ou vingt-cinq nationalités assises dans une même assemblée, et méditant sur la même chose. J’ai vu ce qu’ils appellent “les temples universels de Dieu”. Vous pénétrez dans le temple, il y a une statue de Bouddha, une statue de Krishna, un Shiva, il y a un Christ sur sa croix. Voyez-vous, ils divisent de nouveau à l’intérieur d’une église, d’un temple, d’un lieu de culte.
L’unité véritable des êtres humains ne peut venir que du cœur. Et cette unité du cœur ne peut venir que par la reconnaissance du Soi le plus profond qui est divin, assis là. Votre Soi n’est pas différent de mon Soi, il n’est pas différent du Soi de n’importe lequel d’entre nous ici. En reconnaissant l’essence du Soi, qui est universel, qui est en toutes choses, nous ne devenons pas seulement membres d’une race humaine, mais nous apprenons aussi à nous identifier à chaque forme d’existence sur terre, qu’il s’agisse d’une pierre, d’un arbre, d’un oiseau, d’un animal, cela n’a pas d’importance, parce que ce même Soi se trouve aussi dans le cœur de ces choses-là.
La religion désunit l’humanité du reste de la création. « Ô Dieu d’Abraham ! » Pourquoi pas « Ô Dieu du lion ! »? « Ô Dieu du mouton ! » Pourquoi pas « Ô Dieu de la montagne ! »? Après tout, Moïse est bien allé au sommet de la montagne et y a trouvé Dieu. Non seulement la religion sépare-t-elle l’être humain de l’être humain, mais elle le sépare aussi de tout le reste. Si bien que chaque être humain se retrouve seul comme une île individuelle, isolée, solitaire, souffrante. Nous n’avons pas de compagnie. Nous n’avons pas confiance. Notre confiance en nous est partie. Notre confiance en tous les autres est partie. Et nous n’avons pas de Dieu vers qui nous tourner parce qu’Il est dans quelque temple béni, ou ailleurs. Et donc, si je ne peux pas marcher, mes jambes sont amputées, j’ai le cancer, je dois rester au lit —je meurs littéralement sans Dieu. Voyez donc quelle tragédie en résulte. Une tragédie totale, la tragédie ultime, la désolation, le désespoir, l’obscurité ultime.
Quels sujets de croyance propose la spiritualité ? La religion exige la croyance. La religion exige la foi. La spiritualité n’exige rien. La spiritualité exige que vous et votre aspiration deveniez un Vous parfait. Tout individu qui aspire à devenir parfait est prêt pour la spiritualité. De quoi a-t-il besoin ? De s’asseoir et méditer. Sur quoi ? Sur l’abstrait dans le cœur. Mais comment pouvons-nous méditer sur l’abstrait ? Utilisez la lumière divine parce que la lumière, selon mon Maître, n’est pas dans un sens physique. Elle n’a ni forme, ni nom, ni attribut, etc., etc. C’est ce qui est le plus proche de l’Ultime spirituel. Et si vous pouvez le faire, sincèrement, en sachant que vous allez en bénéficier et personne d’autre — si vous méditez, je ne peux devenir spirituel ; si je médite, vous ne pouvez devenir spirituel…!
Ce système de spiritualité ramène la responsabilité à sa vraie place. Au lieu de devenir des chercheurs qui mendient des bénéfices sur des lieux de culte, priant à genoux, rampant devant les prêtres, pleurant et battant notre coulpe, la spiritualité dit : « Mon fils, assieds-toi là où tu te trouves. Mets-toi dans ton cœur. Médite dans ton cœur. Trouve Celui qui y demeure. » Et comme Il est vous, comment peut-Il être autre chose que ce que vous êtes ? Comment pouvez-vous être autre chose que ce qu’Il est ? C’est le moment où surgit cet éclair d’illumination et vous dites : « Je suis tout, je suis non pas Dieu, mais je suis divin. Je suis comme Dieu. Je suis béni car aujourd’hui, en moi, je L’ai trouvé, Lui que j’ai cherché à travers tout l’univers, toute ma vie. » Ou pendant de si nombreuses vies. Qui sait ?
Voici donc quelles sont les différences entre religion et spiritualité. Choisir l’une au détriment de l’autre n’est pas une question de sentiment, d’émotion, ou même de tradition. La tradition peut être bonne, mais elle est inutile. Tout ce qui est bon n’est pas forcément utile. Une belle pièce de diamant est bonne à voir. Vingt-cinq carats. J’adorerais en avoir un. Mais si je suis sur une île déserte, sans rien à manger, ce diamant m’est tout aussi inutile que le reste. Je dois comprendre ce qui m’est véritablement utile. Ce qu’il est bon de posséder, ce qu’on se sent heureux de posséder, est quelque chose d’autre : diamants, fourrures, soies, voyez-vous. De bonnes maisons, des voitures.
Il nous faut donc toujours faire la distinction entre ce qui est utile et efficace et ce qui est seulement bon. Tout au monde est bon. Tout dans la nature est bon. Dieu n’a rien créé de mauvais. Il n’aurait pas pu créer quelque chose de mauvais. Même le poison ne peut être mauvais. Mais Il a créé une loi selon laquelle certaines choses ne vont pas ensemble, comme l’être humain et la corruption. Ils ne vont pas ensemble. Voyez-vous, si l’Ancien Testament dit vrai lorsqu’il stipule : « Dieu a créé l’homme à Son image », alors nous autres êtres humains ne pouvons pas être corrompus, ne pouvons pas être vicieux, ne pouvons pas être cruels. D’où ces commandements qui disent : « Ne faites pas ceci, ne faites pas cela… » Cela signifie seulement : « Faites ce que vous avez à faire. Soyez divin dans votre essence. Soyez aimant, soyez compatissant, soyez miséricordieux. Traitez toute chose comme vous-même. » Non pas comme une partie de vous-même, non pas juste comme des frères et des sœurs. Parce que frères et sœurs se querellent plus que quiconque. Je n’ai pas rencontré de frère aimant son frère, une sœur aimant sa sœur, et c’est aussi vieux que l’histoire d’Abel et Caïn.
Je pense parfois que nous n’avons également pas non plus réussi dans les fraternités spirituelles, car nous pensons encore à cette fraternité. Les frères de sang qui se querellent toujours, se combattent entre eux, réclamant les propriétés des parents… Ici, il s’agit d’un genre différent de fraternité où je vois mon Soi en vous. Et vous devez de la même façon voir votre Soi en moi. Par conséquent, c’est le Soi que vous aimez lorsque vous regardez quelqu’un d’autre. Et en fin de compte, ce Soi ne devient pas votre soi ou mon soi, mais Le Soi. Le reflet de l’ultime dans notre cœur.
Voici donc quelle est l’aventure de la vie spirituelle, extraordinairement émouvante et ennoblissante. S’il continue à penser au passé, tout passager spirituel, disons, celui qui s’embarque dans la vie spirituelle, se refuse à lui-même ou à elle-même la prospérité spirituelle de l’avenir. La plus grande vérité de la spiritualité est : coupez-vous du passé. De tout le passé. Vous ne pouvez pas choisir, voyez-vous. Tout comme je l’ai dit hier, si vous vomissez, vous ne pouvez pas choisir là-dedans ce que vous allez manger de nouveau, en disant : « Ceci est bon pour moi, ceci est mauvais pour moi. Je vais avaler cela. » Une fois que c’est dehors, c’est dehors. Dans un certain sens, donc, le passé est une excrétion du temps. Il est dépassé. Il a été rejeté du présent. Et il a autant de valeur qu’un excrément. Il peut servir de fumier dans les champs. Il ne devrait pas avoir prise sur moi. Si je suis capable de l’utiliser : « Bon, j’ai fait cela, c’était faux, par conséquent je ne le referai pas. » Dans ce sens le passé est utile. Mais si j’y pense et si je dis : « Ô mon Dieu ! Qu’est-ce que j’ai fait là ! Aidez-moi, je vous en prie ! Pardonnez-moi, je vous en prie ! » c’est inutile voyez-vous. Je pénètre de plus en plus profondément dans le passé et, par conséquent, de plus en plus profondément dans le péché. Car selon l’idée de la spiritualité, le seul péché est qu’au lieu de penser à l’avenir, je suis dans le passé.
Merci.